01. La Bible, parole de Dieu pour l'homme
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"Nous croyons et nous confessons qu'il y a un seul Dieu… C'est ce Dieu qui se fait connaître aux hommes :
- premièrement par ses œuvres, aussi bien par leur création que par leur conservation et la manière dont il les conduit ;
- deuxièmement et plus clairement encore par sa Parole qui, au commencement révélée par oracles, a été ensuite rédigée par écrit dans les livres que nous appelons Écritures Saintes. »
Confession de La Rochelle (1559), articles 1 et 2
En quoi la Bible est-elle un livre différent des autres ?
Cette question est de toute première importance. Il est vrai que la foi chrétienne et la vie de l'Eglise sont centrées sur la personne de Jésus-Christ. Cependant, Jésus-Christ lui-même nous serait inconnu sans la Bible, dont il est aussi le centre ! Ainsi, il n'est pas exagéré de dire que la foi chrétienne est une foi placée dans une parole que Dieu a donnée ; une parole qui, dans le temps, s'est inscrite pour devenir un texte que l'on peut lire et relire, comme le testament ou le traité d'une alliance.
Pour les Réformateurs du 16° siècle, comme pour de nombreux Pères de l'Eglise* ancienne, il ne fait pas de doute que la Bible peut être appelée la Parole de Dieu, la révélation infaillible de Dieu aux hommes. De même que Jésus, malgré sa faiblesse, a parlé et agi sans commettre ni erreur ni faute, la Bible, dans un langage humain, nous communique un message entièrement fiable, dès lors qu'il est compris correctement. Ainsi, l'autorité de la Bible est celle de Dieu lui-même : ce que la Bible dit, c'est Dieu qui le dit au travers de serviteurs humains choisis par lui.
C'est la raison pour laquelle il est si important pour les chrétiens et pour l'Eglise de régler la totalité de leur pensée et de leur vie selon l'autorité du texte biblique, sans y ajouter ni y retrancher quoi que ce soit. La Bible tout entière, et elle seule. Les Réformateurs ont exprimé cela dans une formule latine : Sola et Tota Scriptura !
Tous les théologiens s'accordent pour reconnaître à la Bible une certaine autorité. Cependant, tous ne sont pas d'accord sur la nature de cette autorité. De même que Jésus a été pleinement homme pendant le temps de sa vie sur cette terre, la Bible se présente à nous sous la forme d'un texte composé de mots tout à fait humains ! De plus, la Bible est une collection de livres rédigés par des personnes différentes, à des périodes différentes, dans des styles différents et en rapport avec des situations précises, souvent différentes de celles de nos Églises actuelles. Comment la lire de manière correcte ? La pensée de Dieu peut-elle être transmise par un tel moyen ?
Dans quel sens peut-on dire que la Bible est la Parole de Dieu ? La réponse à cette question est à chercher dans la Bible elle-même.
1. La Bible est inspirée
"Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans ce qui est juste." 2 Tm 3.16
"Nous croyons que la Parole de Dieu qui est contenue dans ces livres a Dieu pour origine, et qu'elle détient son autorité de Dieu seul et non des hommes."
La manière dont Jésus-Christ lui-même comprenait l'autorité de l'Écriture est éclairante. Pour lui, l'Ancien Testament est revêtu de l'autorité divine. Ainsi, l'expression qui revient souvent dans sa bouche, "Il est écrit", est synonyme de "Dieu a dit". Il est significatif également qu'après sa résurrection, Jésus se réfère encore au texte de l'Écriture pour démontrer le sens des événements qui viennent de se dérouler et qui accomplissent les promesses de Dieu.
« Commençant par les livres de Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Écritures ce qui le concernait… » Luc 24.27
Au témoignage de Jésus vient s'ajouter celui des Apôtres. Pour eux, les rédacteurs de la Bible ont été "poussés par le Saint Esprit", de telle sorte que l'Écriture tout entière est inspirée de Dieu, c'est à dire formée par le souffle divin lui-même.
Ce qui est vrai pour l'Ancien Testament l'est aussi pour le Nouveau. Directement appelés par Jésus, témoins de sa résurrection, les premiers apôtres sont choisis afin de "poser le fondement" de la foi comme personne d'autre ne pourra le faire après eux.
Ainsi, l'inspiration de la Bible s'applique à l'Écriture dans son ensemble et à chacune de ses parties.
"Nous affirmons que l'Écriture entière et toute ses parties, jusqu'aux mots mêmes de l'original, ont été donnés par l'inspiration divine. Nous rejetons l'opinion selon laquelle l'Écriture serait inspirée comme un tout mais non pas en chaque partie, ou, au contraire, en certaines de ses parties mais non pas en son tout."
Deux remarques peuvent être apportées ici :
- L'inspiration de certains hommes par Dieu est un don spécial qui s'explique par la volonté de Dieu de se révéler dans l'histoire, en vue de l'accomplissement du salut. Ces hommes furent choisis par Dieu dans ce but, au moment de la rédaction des Écritures sous l'action du Saint-Esprit.
2. L'enseignement réformé classique sur l'inspiration affirme que Dieu est véritablement l'auteur premier de l'Écriture, de la même façon qu'il est l'auteur du salut : l'initiative vient de lui, ainsi que l'accomplissement, de telle sorte que l'œuvre accomplie est sans défaut. Dire cela ne nie pas la pleine humanité et la pleine responsabilité de ceux que Dieu a appelés comme instruments dans cette tâche. Dans les écrits bibliques, il est aisé de reconnaître la culture, le style, le tempérament des divers auteurs humains. C'est le caractère unique de la Bible : pleinement inspirée par Dieu et pourtant pleinement humaine.
Ainsi, la doctrine de l'inspiration prend en compte la réalité d'un Dieu qui est capable d'entrer en communication avec les hommes en utilisant le langage humain pour se faire connaître et faire connaître sa pensée. C'est là un fait qui ne peut être compris et accepté que par la foi. Comme pour la doctrine de la Trinité ou pour la naissance miraculeuse du Christ, la théologie réformée ne tente pas d'expliquer ce qui ne peut pas l'être par l'intelligence humaine. Ce qui compte réellement, c'est l'intention de Dieu : les textes ainsi produits par l'inspiration sont Parole de Dieu en un langage humain, pleinement dignes de respect et de confiance.
"Je ne m'écarte pas de tes ordonnances, car c'est toi qui m'instruis.
Que tes paroles sont douces à mon palais, plus que le miel à ma bouche ! » Ps 119.102-103
2. La Bible est infaillible
L'affirmation de l'infaillibilité de la Bible fait suite à l'affirmation de son inspiration. Si Dieu par son Esprit Saint est bien l'Auteur premier de l'Écriture, alors celle-ci ne saurait contenir ou enseigner des erreurs : l'infaillibilité (absence de faute) ou l'inerrance (absence d'erreur) de la Bible sont celles de Dieu lui-même.
Avec le mot "infaillibilité", nous disons que l'Écriture est sûre dans tout ce qu'elle enseigne ; nous disons que tout ce que les écrivains sacrés affirment sur Dieu, sur l'homme, sur le salut, sur l'intervention de Dieu dans les événements historiques (et pas seulement sur les vérités d'ordre spirituel) est entièrement fiable.
Avec le mot "inerrance", nous disons que l'Écriture est sans erreur, de sorte que personne ne peut démontrer que la Bible nous tromperait alors que nous aurions bien compris ce qu'elle voulait dire. "Tout ce que les auteurs bibliques affirment (dans leur situation et selon les conventions de leur langage) mérite l'entier assentiment du lecteur (oui et amen) : aucun progrès du savoir ne peut conduire à le rejeter ou le rectifier…"
La comparaison avec la double nature du Christ peut nous aider à comprendre la question de l'inerrance et de l'infaillibilité : de même que la pleine humanité du Christ (il a eu faim, soif, il a été fatigué, il a pleuré…) n'enlève rien à sa divinité et à sa perfection (il n'a commis aucun péché), l'Écriture peut être pleinement humaine (le langage, le style, les usages…) tout en étant pleinement inspirée par Dieu et sans erreur, dans le texte original (hébreux et grec). Dire cela ne signifie pas que l'on résoudra immédiatement toutes les difficultés de compréhension qui peuvent se poser ; un travail important demeure nécessaire, par exemple au niveau de la traduction ou de l'interprétation.
Une juste compréhension de la doctrine de l'inerrance-infaillibilité doit permettre d'éviter deux écueils :
- le maximalisme qui affirmerait que l'Écriture est sans erreur jusque dans les moindres détails scientifiques ou historiques, même quand l'intention de l'auteur n'est pas d'ordre scientifique ou historique. Ainsi par exemple, quand l'auteur du Psaume 19 compare le lever du soleil à un époux qui sort de sa chambre, il n'a pas l'intention de nous instruire sur le mouvement réel de la terre autour du soleil, mais de nous monter combien ce mouvement est magistral et source de joie.
- le minimalisme, qui affirmerait que la Bible est infaillible dans un certain nombre de domaines spirituels seulement, les autres affirmations devant être comprises de manière symbolique. Les événements que nous relate la Bible (le déluge ou la traversée de la Mer Rouge, la naissance miraculeuse ou la résurrection corporelle de Jésus…) sont présentés comme ayant réellement existé : Jésus ou les apôtres les ont crus comme étant des faits et non seulement des images.
3. La Bible est achevée
"Moi, Jean, j'adresse ce solennel avertissement à tous ceux qui entendent les paroles prophétiques de ce livre : si quelqu'un y ajoute quelque chose, Dieu ajoutera à sa punition les fléaux décrits dans ce livre ; si quelqu'un enlève quelque chose, Dieu lui enlèvera sa part du fruit de l'arbre de la vie et sa part de la ville sainte décrits dans ce livre." Ap 22.18
Le canon* de l’Ancien Testament (A.T.) était clos plus de deux siècles avant que se pose la question du canon du N.T. Dans un premier temps, les paroles de Jésus et les écrits des apôtres furent souvent cités parallèlement aux écrits de l’A.T. et reçurent rapidement, pour la plupart, une autorité semblable.
L'achèvement du canon est lié au "temps de l'incarnation", c'est à dire à la venue du Messie sur la terre. Cette période, unique dans l'histoire du salut, prend fin à la mort du dernier apôtre témoin oculaire du Christ ressuscité. Les apôtres "fondateurs" ont reçu vocation de la part du Christ pour "compléter" le canon de l'Écriture Sainte, et cela de manière définitive : aucune révélation nouvelle ne s'ajoutera jusqu'au retour de Jésus-Christ. Pour cette tâche, ils ont reçu l'assistance du Saint-Esprit qui a garanti la fidélité de leur mémoire et les a conduits dans toute la Vérité.
"Toute l'Écriture Sainte est contenue dans les livres canoniques de l'Ancien et du Nouveau Testament…Il en découle que ni l'ancienneté, ni les coutumes, ni le grand nombre, ni la sagesse humaine, ni les jugements, ni les arrêts, ni les lois, ni les décrets, ni les conciles, ni les visions, ni les miracles ne peuvent être opposés à cette Écriture Sainte, mais qu'au contraire toutes choses doivent être examinées, réglées et réformées d'après elle."
En désaccord avec le catholicisme romain pour lequel la Tradition de l'Eglise fait partie, comme l'Écriture sainte, de « la Parole de Dieu », la théologie réformée insiste fortement sur le caractère achevé de la révélation biblique. D'autres écrits peuvent être utiles pour éclairer le sens de certaines affirmations de l'Écriture, mais ils ne peuvent en aucun cas fonder de nouveaux articles de foi.
4.La Bible est suffisante
"Cette Parole est la règle très certaine de toute vérité et contient tout ce qui est nécessaire au service de Dieu et à notre salut ; il n'est donc pas permis aux hommes, ni même aux anges d'y ajouter, retrancher ou changer."
La Bible étant achevée, nous pouvons considérer qu'elle constitue la révélation suffisante de Dieu pour les hommes. Dictée par l'amour de Dieu et par les projets favorables qu'il a formés pour son peuple, elle constitue un 'moyen de grâce' privilégié par lequel l'Eglise se nourrit, s'édifie.
Dieu, il est vrai, parle de multiples manières, notamment par la splendeur de la Création et par bien des signes de sa "grâce générale" pour l'ensemble des hommes. Cette "révélation générale" atteste la présence d'un Dieu infini, sage, fidèle et bon. Mais c'est par la "révélation spéciale" que constitue l'Écriture Sainte que nous pouvons découvrir réellement qui est Dieu, quel est son dessein, quelles sont ses promesses, quel est son appel. La Bible nous donne elle-même les clés pour sa propre interprétation et pour analyser la réalité qui nous entoure.
"Je suis plus instruit que tous mes maîtres, car tes préceptes sont l'objet de ma méditation ; j'ai plus d'intelligence que le vieillard, car j'observe tes ordonnances. » Ps 119.97-100
Dire que la Bible est suffisante ne signifie pas qu'elle dit tout sur tout. Elle dit ce qu'il est utile ou nécessaire que nous sachions pour être sauvés et pour glorifier Dieu par notre vie.
"Les choses cachées sont à l'Eternel notre Dieu ; les choses révélées sont à nous et à nos enfants, à perpétuité, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette loi." Dt. 29.29
La révélation générale (dans et par la Création) et la révélation spéciale (dans et par l'Écriture sainte) sont reliées l'une à l'autre de façon complémentaire, puisqu'elles parlent l'une et l'autre d'une même réalité qui est unique, celle du monde dans lequel nous sommes, créé et maintenu par Dieu. S'il est exact que ce n'est qu'à la lumière de l'Écriture qu'on peut comprendre réellement ce que dit la révélation générale, il est vrai également qu'une juste connaissance de ce monde confirmera le témoignage de la révélation spéciale et aidera à l'appliquer avec intelligence.
5. La Bible est claire
"Tout dans l'Écriture n'est pas également évident, ni également clair pour tous. Cependant, ce qu'il faut nécessairement connaître, croire et observer en vue du salut y est si clairement exposé… que la personne peu instruite - et pas seulement la personne cultivée - peut, sans difficulté, en acquérir une compréhension suffisante."
A la différence des théologiens catholiques de leur temps, pour lesquels la Bible était considérée comme étant trop obscure pour pouvoir être mise entre toutes les mains, les Réformateurs ont souligné la clarté de la Bible. Ils ont employé le terme "accommodation" pour montrer que Dieu s'est approché des hommes pour communiquer d'une manière qui tienne compte de leur faiblesse, comme on le fait avec un enfant. Ainsi, pour quiconque a reçu l'amour de la vérité (2 Th 2.10), la Bible est suffisamment claire pour tout ce qui touche aux fondements de la foi, de telle sorte que même les personnes les moins instruites peuvent y trouver ce qui est nécessaire pour leur salut et leur vie chrétienne.
L'accès de tous à l'Écriture Sainte ne contredit pas la nécessité des ministères d'enseignement et de direction pastorale que Dieu a donnés à son Eglise, pour son unité et son édification.
6. Chaussée glissante (Éviter les dérives…)
Toute recherche de vérité est menacée par des réactions excessives, des exagérations, des influences philosophiques ou morales suspectes qu'il est important d'éviter ou de corriger.
L'illuminisme : Certains croyants pensent qu'une révélation divine personnelle peut nous parler plus directement que l'Écriture elle-même, voire primer sur elle. La doctrine de l'inspiration de l'Écriture ne nie pas que Dieu agisse encore aujourd'hui par son Esprit, notamment dans l'écoute et la compréhension de sa Parole. Mais, aussi nécessaire soit elle, cette inspiration-là ne revêt jamais un caractère infaillible : en aucun cas l'autorité de celui qui lit ou qui annonce l'Évangile aujourd'hui ne peut égaler celle des auteurs bibliques inspirés. Aucun autre livre, aucune autre prophétie, aucune vision, aucun miracle ne peut devenir une clé d'interprétation nécessaire pour accéder au sens du texte biblique. La Bible seule est la norme de sa propre interprétation.
Le rationalisme : Une confiance démesurée dans les capacités de la raison, ou dans les connaissances scientifiques du moment peut conduire à rejeter un certain nombre de faits ou de doctrines bibliques. C’est l’homme qui détermine alors lui-même le vrai et le faux, ce qu’il faut croire et ce qu’il ne faut pas croire. C'est ainsi que le protestantisme libéral rejette la naissance virginale de Jésus, sa divinité, la portée sacrificielle de la croix (l'expiation), la résurrection corporelle, la nécessité de la foi pour être sauvé, etc. Le risque, ici, est de prêcher "un autre Évangile"!
Le subjectivisme : Faire de l’homme le juge de ce qu'il doit croire ou ne pas croire, en fonction de ses expériences personnelles, de son contexte particulier, ne peut que le conduire à douter que la Bible puisse réellement être la Parole infaillible de Dieu. Chacun est alors conduit à retenir ce qui lui correspond, à rejeter ce qui lui paraît inacceptable, ou invraisemblable. L'autorité de la Bible est alors relativisée : il n'y a plus à proprement parler d'enseignement, mais seulement des interpellations ; il devient impossible de déterminer de façon objective ce qui est bien et ce qui est mal, ce qui est vrai et ce qui est faux.
Le littéralisme : Ce défaut consiste à négliger la dimension humaine du texte biblique et de sa transmission. Oublier le contexte historique ou culturel dans lequel le texte a été écrit, le genre littéraire (il y a dans la Bible des récits historiques, des textes de loi, des livres de sagesse, des textes de nature poétique, des témoignages, des lettres, des prophéties…), oublier le travail de traduction, d'interprétation, etc… c'est courir le risque de ne pas rejoindre le texte dans son intention première et d'en faire une mauvaise utilisation.
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« Le témoignage du Saint-Esprit est plus excellent que toute raison : car bien que Dieu seul soit témoin suffisant de soi en sa Parole, toutefois cette Parole n'obtiendra point foi au cœur des hommes si elle n'y est scellée par le témoignage intérieur de l'Esprit. C'est pourquoi il est nécessaire que le même Esprit qui a parlé par la bouche des Prophètes, entre en nos cœurs, et les touche au vif pour les persuader que les Prophètes ont fidèlement mis en avant ce qui leur avait été commandé d'en haut. » Jean Calvin, Institution chrétienne. 1.7, 4